La crise alimentaire, tournant du 21ème siècle ?

La sonnette d’alarme avait déjà retenti en 2007, lorsque les mexicains descendirent dans la rue pour protester contre la hausse du prix du mais, élément crucial du régime alimentaire au Mexique, répercussion directe d’une hausse de l’exploitation du mais pour les bio-carburants aux USA. Depuis quelques mois les protestations, voire des émeutes s’enchainent sur le globe suite a la hausse du prix du blé et plus récemment du riz : en Indonésie courant Janvier 2008 (le prix de l’alimentation de base et de l’essence ayant quasi doublé), au Cameroun (ou 7 personnes furent tuées), au Burkina Faso, Au Yémen, Au Mozambique, au Philippines et plus récemment en Égypte (1mort, le prix du pain y a double les derniers mois), au Sénégal, en Cote d’Ivoire et en Haïti (le prix de l’alimentation a connu une augmentation de 50 % depuis début 2008 et le prix de l’essence y a tripler)… ma liste est longue et incomplète.
Le constat est grave, plus de 100 millions d’individus pourraient être menacés de famine s’ajoutant au 800 millions de personnes souffrant déjà de malnutritions. Les pays riches vont ils faire face a leur responsabilité , car il ne fait a la lecture de la liste qui suit que le libéralisme assoiffé de croissance non maitrisée et de profits sur un marché mondialisé est a la source de cette crise. On parle d’un recul de 7 ans dans la lutte contre la pauvreté dans le monde, constat qui pourrait s’aggraver si la situation ne s’améliore pas dans le courant de l’année.

Les raisons de cette crise sont multiples :

  • Les dérèglements climatiques (le nombre de catastrophes naturelles étant passé d’une moyenne de 200 à 400 par an au cours des deux dernières décennies, d’après Sir John Holmes, sous secrétaire aux affaires humanitaires de l’ONU et Coordonnateur des secours d’urgence a Dubai le 9 Avril). La récolte de blé en 2007 fut catastrophique ( en particulier en Australie) en raison de ces problèmes climatiques.
  • L’augmentation de l’exploitation des terres arables pour produire du bio carburant (aux USA, au Brésil) provoque une baisse des stocks du mais sur le marché de l’alimentation et pousse les prix a la hausse. Le mouvement est d’autant plus important aux USA que le gouvernement subventionne fortement les bio-carburants, il faut y voir une manière de transmettre l’argent public vers l’activité militaire du pays puisque le principal consommateur de bio carburants reste l’armée.
  • La flambée des prix du pétrole (atteignant 115.21 dollars le baril a l’ouverture des marchés asiatiques ce matin) joue un rôle déterminant, autant pour les couts de transports en net augmentation en raison des importations massives sur le marche mondialise que pour l’augmentation du prix des fertilisants utilises dans l’agriculture intensive (dont la manufacture nécessite du pétrole)
  • Le repli a la bourse des spéculateurs sur les matières premières et les aliments:
    Le prix du riz a bondi de 31 % en une journée, jeudi 27 mars, passant de 580 à 760 dollars, les stocks étant tombés au plus bas depuis 1976. l’Inde, l’Égypte, le Vietnam et le Cambodge ont annoncé qu’ils suspendaient leurs exportations de riz (nb: afin d’être en mesure d’assurer l’approvisionnement intérieur) au moment où les Philippines en cherchaient désespérément 500 000 tonnes sur le marché. Les spéculateurs ont sauté sur l’occasion, comme ils ne cessent de le faire pour le blé, l’or, le pétrole ou les carcasses de porc dont les cours fluctuent de plus en plus brutalement.” (Source : Le Monde )
  • Enfin l’essor économique de la Chine et de l’Inde ont permis a ces deux pays de voir se développer rapidement une classe moyenne durant les 20 dernières années, accédant ainsi a plus de confort et cherchant d’un point de vue alimentaire plus de diversité ce qui aboutit par une plus forte demande de la consommation de viande, en d’autre terme une augmentation des besoins en produits céréaliers. Par ailleurs cette augmentation de la consommation de viande n’est pas uniquement liée a la Chine et l’Inde, elle est bien évidemment aussi en corrélation directe avec la surconsommation de viande dans les pays riches.

Alors forcement au lendemain de ces séries d’émeutes, les réactions n’ont pas tardé par la voix de Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international : « Les prix de l’alimentation, s’ils continuent comme ils le font maintenant, (…) les conséquences seront terribles. (…) Comme nous l’avons appris dans le passé, ce genre de situations se finit parfois en guerre. »
Robert Zoellick, président de la Banque Mondiale a demandé aux pays riches de répondre a l’appel du Programme alimentaire mondial des Nations unies fait en Mars, nécessitant 500 millions de dollars supplémentaires. Le gouvernement Bush a depuis injecté 200 millions de dollars dans le programme ( ils n’ont pas intérêts a ce qu’installe une instabilité mondiale gênant les échanges commerciaux sur le long terme), j’imagine que l’Europe étudie de son coté sa réponse.

Voila en somme la situation aujourd’hui, les États riches vont tenter d’endiguer le problème sur le court terme en injectant des liquidités des maintenant via l’ONU et sur le moyen terme en ouvrant la possibilité d’emprunts plus large en Afrique afin de promouvoir une agriculture plus productive.

Cette crise si elle dure va provoquer beaucoup de dégât dans les pays pauvres et les pays en voie de développement, toutefois il serait stupide de considérer nos pays riches intouchables par cette crise. Nous en subirons les conséquences : augmentation du prix de nos propres produits alimentaires, probables pénuries sur certains produits qui disparaitront des rayons (les pays exportateurs vont changer leur cultures afin de reprendre une agriculture vivrière), les émeutes pourraient avoir un impact sur les importations d’autres matières premières . Enfin la possibilité de guerres en Asie ou en Afrique se cumulant a la crise alimentaire pourrait provoquer des flux migratoires inquantifiables a l’heure actuelle.

A propos des bio-carburant, Jean Ziegler ( Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation pour l’ONU) avait parlé de crime contre l’humanité en octobre 2007, sans émouvoir puisque rien depuis n’a été décidé suite a sa proposition d’établir un moratoire de 5 ans sur les bio-carburants. Je ne me fais pas d’illusion, les bio carburants servent une logique protectionniste pour chaque pays qui cherche son indépendance énergétique, la limitation ou l’arrêt des exportations sont motivé par la même logique. Je doute en soit que l’on voit a ce niveau un réel progrès rapidement.
Je suis exaspéré a ce titre que l’ont induise la responsabilité des écologistes ou la volonté de régler le problème du réchauffement climatique via ces politiques sur les bio carburants : ce sont des foutaises, les bio carburants ne sont pas moins polluants pour l’environnement: besoins en eau, besoins de pétrole pour l’exploitation, rejet de CO2 non négligeable, etc. Les mouvements écologistes ont fait marche arrière quant a la promotion de cette énergie depuis longtemps. En revanche j’imagine que les vendeurs de semences se frottent les mains face a ce marché en expansion et ne posant pas de problèmes sanitaires (propre a la consommation tout du moins) et ouvrant la voie a toutes les possibilités concernant les expérimentations sur les OGM.
Une solution a court terme serait aussi de retirer des cotations en bourse les denrées alimentaires de base comme le blé, le riz , le mais afin que les prix ne soit influence que par l’offre et la demande sans subir l’influence spéculative.

Enfin il me reste un dernier point a souligner :
il faut cinq fois plus d’hectares pour produire une calorie de viande qu’une calorie de céréales. 80 % des terres agricoles aux USA servent a nourrir du bétail (cela inclue les pâturages), soit 33 % des terres cultivées environ. A l’échelle mondiale on estime que 30% des terres servent a nourrir du betail … ces chiffres sont effarants. Et il me semble que au delà de la possibilité d’accroitre la production mondiale de céréales, il serait temps de voir aussi a envisager de réduire la consommation de nos pays riches d’autre part.
Alors oui consommer moins de viande pourrait avoir un impact positif pour les stocks céréaliers et faire baisser les prix au détriment de l’industrie de la viande. Pas besoin de militer a ce niveau, car forcement le prix de la viande montera avec celui des céréales, ce qui fera baisser la consommation. La question pour les pays riches est simplement de savoir si ces augmentations de prix se tasseront ou pas, l’ajustement sur les cours du pétrole ne présage rien de bon quand on se réfère au scénarios envisagés par la these du pic pétrolier.
Concernant l’avenir des pays pauvres … joker

Petit rajout via cette video, qui focalise sur les biocarburants et la speculation. Dommage que la question du petrole et du cout de la consommation de viande ne soit abordee…

Pour continuer le débat deux articles sur le sujet :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=38671
http://www.adicie.com/archives/201

Sources :

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1898
http://en.wikipedia.org/wiki/2007%E2%80%932008_world_food_price_crisis
http://www.lemonde.fr/economie/…
http://www.time.com/time/business/article/0,8599,1684910,00.html
http://www.lesechos.fr/info/agro/4714990.htm
http://news.bbc.co.uk/2/hi/business/7347697.stm

10 thoughts on “La crise alimentaire, tournant du 21ème siècle ?”

  1. Bravo ! très beau billet !
    Je ne vois pas ce qu’il y a à ajouter !

    Je retiens 3 choses qui expliquent la crise :

    – Augmentation du pétrole
    – Les bio-carburants
    – La spéculation sur les produits alimentaires

    Sur ces 3 points :

    Il est possible d’agir !

  2. Yep excellente analyse de la situation ;)
    Il y a un point qu’il faut ajouter. C’est-à-dire que les répercussions d’une telle famine vont au-delà des souffrances actuelles puisque les générations à venir vont évidemment souffrir des symptômes liés à la malnutrition.
    C’est donc un désastre au-delà de 2015 qui guette, et il n’y a pas grand-chose de possible pour redresser la situation.

  3. Nous allons vivre quelques chose qui sera comme la canicule 2003 mais au niveau mondial avec la pauvres dans le rôle de nos petits vieux… Un aspect manque aux raisons de cette crise, il s’agit des productions vivrières qui ont partout été laminées par les subventions à l’exportation des pays riches. Qu’on commence par réformer la PAC si l’on veut avoir la conscience tranquille… http://www.factsonlyagency.com/article-19195457.html

  4. c moi tjrs. bon je veux ouvrir le debat sur les concéquences de cette crise sur la paix mondiale; on a tous asisté à de nombreuses révolutions par fois grave dans plusieurs pays comme chez nous au maroc.je pose suivante: dans la penseé occédentale le terrorisme et tjrs lieé à l islam, vu les cause de cette crise mondiale qui ne touche que les pays pauvres en depit de leurs religions,peut on pas dire que cette crise engendrera des menaces pour les pays qui en sont la cause???????????

  5. Bien entendu que les tensions entre pays riches et pays pauvres puissent deboucher , dans le contexte d’une crise alimentaire, sur une recrudescence d’attentats en occidents. Mais je ne penses pas que ce soit un facteur aggravant pour les puissants, bien au contraire cela donnerait plus de levier pour appliquer une politique repressives, de surveillance et limiter la libertes des citoyens occidentaux. De plus le citoyen occidentale dans ce genre de contexte ne voit plus de souci a utiliser la violence a l’exterieur de ses frontieres ou d’aggraver la crise …c’est ce qui s’est passe apres le 11 septembre avec l’invasion en irak et en afghanistan qui ne sont en aucun lies directement aux attentats. D’ailleurs les milliards investit n’ont toujours pas donne de resultats probant sur la traque de Ben Laden… enfin je vais pas me lancer dans une diatribe a ce propos non plus.

  6. c est très claire mais il faut souligner que cette crise n’est que le la fille abondonée de la mondialisation,de l’imperialisme ferosse et du monothèisme du marché.elle (la crise) montre clairement le nargisme des capetalistes qui ne cherchent que le profit au detriment des pauvre.il nous faut une politique humanitaire universelle avec des valeurs humanitaires, certe le profit est un droit legitime mais n’oublions plus que nous sommes encore des hommes car ailleur on cherche la subsistence seulement.en fin prions dieu que demain sera rose pour toute la planette bleue………amin

  7. La crise alimentaire mondiale est le résultat d’une politique et d’un consensus mondial.
    Les crises financières, alimentaires et climatiques sont liées !
    Il y avait un bon reportage sur le sujet en avril 2008 sur france5 mais impossible de retrouver la vidéo sur internet…
    Gael

  8. Déjà en 1980, il y avait eu un scandale parcequ’à un sommet des grands céréaliers, ils avaient décidé de monter les prix. Quand on avait demandé à un des grands patrons si ça ne le génaît pas de déclencher une famine à l’autre bout du monde par effet domino, il avait haussé les épaules…

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