Barack Obama, the 44th

J’ai pris beaucoup de temps pour digérer cette élection, laisser retomber le sentiment de satisfaction qui a suivi l’anxiété (modérée) durant l’annonce des résultats, et finalement essayer de se livrer à l’analyse de la victoire de Barack Obama. Prendre un peu de recul n’aura pas été une mauvaise idée tant les commentaires qui ont suivis la victoire m’ont semblé très passionnels que ce soit pour les plus ravis comme pour les plus sceptiques. Je vais essayer d’aborder la victoire d’Obama sous deux angles, l’émotion qui a entouré l’évènement historique et l’analyse politique.

La dimension historique: l’émotionnel

Il ne fait aucun doute que ce Mardi 4 Novembre 2008 fut un moment historique. C’est un signal terriblement fort qui a été envoyé par l’électorat américain, un demi-siècle après le combat pour les droits civiques.Le discours vibrant qui a suivit l’officialisation de la victoire associé aux larmes de Jessie Jackson ou l’intervention de John Lewis furent des moments poignant. Cette élection est la victoire des minorités unies, les latinos, les afro américains, et les asiatiques qui ont voté massivement dans cette élection pour Obama.

Certains en France semble minimiser le symbole que représente ce choix, certains font valoir la position d’Obama dans le conflit israëlo-palestinien pour diminuer le symbole que représente sa victoire. Pourtant le fait que le principal soutien à Israël puisse au travers de sa population envoyer un message d’ouverture et de tolérance vis a vis des différences, ne doit pas être négligé. Est ce pour autant la fin du racisme aux USA ? surement pas , il semblerait même qu’on observe une radicalisation sur ce thème, faisant apparaitre une crise d’identité d’une partie de la population blanche (article de Dedefensa à ne rater sous aucun prétexte relatant de la recrudescence des actes racistes aux USA).
Le mouvement générationnel qui se dégage de cette élection est marquant, la jeunesse, les latinos et les afro-américains ont largement soutenus Obama, et la démographie joue en faveur de ces trois groupes d’électeurs, alors que la base conservatrice elle est plus âgée (les plus de 50 ans) et est ainsi donc vouée à diminuer en proportion, en particulier lorsque les baby boomers vont commencer à peupler les cimetières ( je ne savais trop comment tourner cette phrase sans donner l’impression d’avoir la volonté d’enterrer vivantes des personnes seulement sexagénaires).

Pour résumer le sentiment des Californiens qui ont soutenus massivement Obama, je vais vous traduire la citation d’un collègue de travail, au lendemain de l’élection, que j’avais garder dans mes mails:

“J’ai participé à la vie politique du pays depuis prés de 20 ans et j’ai observé la politique avec plus ou moins d’intérêt depuis plus longtemps encore. J’ai grandi ici a Los Angeles, je suis allé dans des écoles ou je faisais régulièrement parti du groupe minoritaire (je suis blanc), et j’ai ainsi eut des amis de toutes origines, dont un grand nombre n’était pas né aux États-Unis.

Et je n’avais jamais pensé que je verrai un jour la présidence du pays aller à quiconque qui ne soit pas un homme blanc. J’ai pleuré hier soir, et je peux difficilement retenir mes larmes encore aujourd’hui. Je suis tellement fier de mon pays et de la formidable étape que nous avons franchi… de celles que nous continuerons à franchir. Je suis fier et heureux d’avoir pu être le témoin de cet évènement, d’avoir vu l’Histoire se construire et la politique de ce pays être bouleversée à jamais. Ces émotions sont d’une puissance inégalée c’est le moins que je puisse dire.

Et au même instant, je suis triste de voir que la Proposition 8 semble être sur le point de passer (loi remettant en cause le mariage homosexuel en Californie). Ma demi-sœur est mariée avec une femme, donc la famille se sent très concernée. Il semble qu’au moment ou nous faisons un pas en avant contre la discrimination raciale nous en faisons un pas en arrière vers une autre forme de discrimination. Nous avons fait des progrès globalement, mais il est évident que nous avons encore un long chemin à parcourir. Je suis confiant toutefois, que nous puissions y arriver.

Yes we can.”

Mais tout ne se résume pas aux symboles, le choix pour Obama ne c’est pas fait sur sa couleur de peau ou son arrière plan multiculturel. Non il a gagné car il est apparu plus présidentiel, avec plus de sang froid et de pragmatisme. Il a su exposer un programme adaptable à la crise qui a jaillit en Septembre, et il a fait campagne contre Bush bien plus que contre McCain chose qui a finit d’assurer sa victoire tant le rejet de W était grand ces derniers mois. Obama a aussi vaincut non pas parce qu’il suscite uniquement de l’espoir mais parce qu’il représentait le seul choix pour faire face à une situation de désespoir. A tel point qu’il apparait presque se trouver en position sacrificielle tant la tache qui lui incombe est énorme.

La dimension Politique : le pragmatisme

Sur le point de vue politique, ma première réaction est de ne pas comprendre pourquoi une partie de la gauche française se braque immédiatement, tout comme je ne comprend pas l’engouement hystérique que la candidature d’Obama a pu susciter. Pour remédier au deux extrêmes j’aurais aimé que les uns et les autres lisent en détails le programme d’Obama, que le jugement à priori se fasse à ce niveau et désormais qu’il est élu que sa politique soit mesure à l’échelle de son programme. Car non celui-ci n’est pas qualifiable de droite ou de gauche, le programme est définitivement centriste ce qui est déjà une position très progressiste pour les USA, mais cela ne doit pas susciter un engouement sans fondement pour ceux qui espèrent un tournant vers la social-démocratie.

Là ou peut résider un espoir supplémentaire au programme vient du passé d’Obama dans le tissu associatif, et le fait qu’il se soit entouré d’une équipe de transition constituée de nombreuses personnes ayant eut un engagement associatif. Bien entendu cette équipe comporte aussi son lot d’avocats anciens lobbyistes et des anciens de l’administration Clinton. Mais pour limiter l’influence externe Obama a réclamé des conditions de transition qui sont aujourd’hui les plus strictes jamais vues pour éviter l’exposition aux lobbys.

La politique centriste du programme permettra ainsi à l’aile gauche démocrate ainsi qu’aux associations plus radicales d’avoir un interlocuteur bien plus ouvert au dialogue que Bush. Mais il ne fait aucun doute que tous ces échanges n’aboutiront pas, mais le simple fait d’un retour à la concertation dans la politique intérieure du pays est une bonne chose. Et les Républicains vont difficilement pouvoir entraver les prises de décisions des démocrates qui sont susceptibles d’atteindre une majorité de 60 sièges au Sent ce qui les mettraient a l’abri des vétos du camp adverse. en effet, il reste deux sièges encore en jeu, Al Franken semble pouvoir gagner au Minnesota et la Georgie va faire un deuxième tour qui pourrait profiter de la dynamique progressiste. En somme Obama n’aura pas énormément d’entrave sur le plan législatif, sauf venant de son propre camp. Toutefois la situation est telle que sa marge de manœuvre budgétaire est réduite à un minimum difficilement imaginable.

D’ores et déjà nous pouvons voir se former quelques lignes de la politique à venir:

Tout d’abord le choix du Chief of Staff , sorte de bras droit d’Obama, en la personne de Rahm Emanuel est très décrié du fait de son tempérament très partisan, de son soutien à la guerre en Irak et de son engagement marqué pour Israël, à noter que la polémique comme quoi il se serait engagé dans l’armée Israélienne en 91 est erronée, il a officié en tant que civil volontaire sur une base israélienne dans le cadre de la coopération avec les USA, il n’a pas combattu, cela n’enlève rien toutefois a son attachement très fort à Israël. Mais ce n’est pas Emanuel qui fera la politique d’Obama, ce ne sera pas son conseiller d’ailleurs, son rôle est plutôt de faire tampon entre Obama et le reste de l’administration. Le choix à venir pour le secrétaire d’état  (on parle fortement d’Hillary Clinton) ou le secrétaire au trésor ( pour remplacer Hank Paulson , personnage central de la crise économique actuelle) font tout autant polémique, tant ils pourraient orienter la politique économique et internationale à venir. Au niveau international d’ailleurs il semble qu’une prise de position importante est en train de naitre de la part du futur président contre le projet de bouclier anti missile en Europe,le fameux BDME. Que Obama puisse être en opposition avec le Pentagone et le complexe militaro-industriel, afin de leur retirer petit à petit leur pouvoir d’influence ayant atteint son apogée sous Bush, pourrait être le signe d’un changement majeur, une sorte de Gorbatchevisation sur le plan militaire ?

Pour l’instant c’est plus ou moins l’ensemble des points politiques que j’ai pu observer car la transition se passe de manière tres disciplinée avec très peu de détails en surface. Je vais donc m’évertuer de faire un point mensuellement sur l’avancée de la politique d’Obama et sa mise en application sur le plan international et intérieur, tout en tentant de rester le plus critique et objectif possible. Vous pouvez aussi suivre la “propagande” officielle sur internet

2 thoughts on “Barack Obama, the 44th”

  1. merci pour cette lecture encore une fois très enrichissante – et qui eu en sus le mérite de me sortir un peu le nez, non : toute la tête du bourbier socialo-socialiste français.

    j’avoue que j’écrase une petite larme en voyant et revoyant l’émotion dans les regards humides sur les visages en gros-plan de ces américains, tout particulièrement ces afro-américains d’une soixantaine d’années pour qui on imagine le chemin parcouru au long d’une vie.

    j’avoue aussi ne pas me laisser trop aller à l’enthousiasme, politiquement, tant je sais comme parfois peuvent être grandes les grandes désillusions. j’attends la suite avec un espoir mesuré, en me réjouissant que le monde avance tout de même parfois dans la bonne direction. ce genre de bonnes nouvelles furent rares depuis le début de ce siècle.

    encore merci à toi d’avoir su me, nous faire vivre cette campagne de manière plus intelligible, depuis ce point de vue intérieur que tu nous as livré.

  2. Merci a toi de m’avoir fait savoir ton interet pour mes billets concernant la campagne, c’est tres encourageant de savoir son “investissement” apprecie ;)

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