Le nuke et l’air au Japon

Deux semaines, deux longues semaines que le Japon vit un vrai cauchemar. Apres la destruction totalement sidérante du Tsunami, un nombre de victimes toujours trop élevé, la douleur des familles attendant des nouvelles des disparus, les centaines de milliers de sinistrés, l’expérience traumatisante du tremblement de terre partagée vécut par une nation entière, il ne manquait plus qu’un facteur aggravant de plus pour que cet évènement devienne profondément singulier: qu’une centrale nucléaire vienne a manquer d’électricité en conséquence de la catastrophe. Un comble dites vous ?

Tsunami médiatique

Il n’aura suffit que de quelques jours et du sujet atomique pour que se déroule le cirque classique des médias : la panique organisée et commentée a outrance, la cacophonie des experts faussement indépendants, l’abondance de chiffres erronés, mal interprétés. Un seul objectif générer des parts d’audimat, vendre du papier plus que son voisin, exploiter l’évènement avec la plus grande intensité avant que le filon ne s’épuise et ce jusqu’à ce qu’un nouveau sujet soit plus juteux. A ce propos, les vendeurs d’armes Lagardere et Dassault ou encore le vendeur de sarcophage tchernobylien Bouygues ont du se réjouir de voir leur ami Sarkozy faire le forcing pour enclencher les hostilités en Libye et offrir a leur journaux et télévision une opportunité de lancer une nouvelle rubrique a long terme, sans pour autant perdre le fil rouge Japonais.

Le rythme médiatique justement n’est pas du tout adapté au très lent développement d’une crise nucléaire. En une quinzaine de jour le flot d’informations s’est banalisé, les réponses des experts sont acceptées avec plus de docilité par un public fatigué qui pourrait avec le temps douter de moins en moins que la situation est totalement maîtrisée, voir s’en foutre complètement. La communication par le cynisme se déroule tranquillement: on met en perspective le risque nucléaire face au nombre de décès en voiture sans pour autant arrêter la production de véhicules ou aux examens médicaux impliquant l’utilisation de scanners. Internet s’inscrit dans un autre temps celui de la recherche directe d’information,  pour peu que l’on dispose de suffisamment de temps l’accès y  est plus aisée, et offre un temps d’analyse permettant de vraiment appréhender les informations complexes liées au sujet très scientifique du nucléaire.

Ou en sommes nous ?

Fukushima aura donc essuyé trois explosions, trois réacteurs n’ont plus de mur extérieur, et l’enceinte de confinement du réacteur 3 est quasi officiellement endommagée, laissant échapper de manière sporadique de doses de radiations très élevées, enfin les combustibles stockés dans la piscine de refroidissement du réacteur 4 présentent un risque non négligeable. Trois intervenants sur le site viennent d’être contaminés suite a un contact avec une flaque d’eau hautement radioactive (on parle la d’une exposition de courte durée au travers de botte en caoutchouc), et un responsable de TEPCO (l’entreprise en charge de la centrale) a déclarer que les travaux visant a remettre en place les procédures de refroidissement pourrait prendre plus d’un mois.

La contamination de l’eau a Tokyo expose les nourrissons a un risque, et de nombreux aliments cultivés dans un rayon de 250 kms autour de la centrale présentent des contaminations importantes les rendant impropres a la consommation.

De quoi se rappeler avec tristesse les croyants/propagandistes qui ont un temps niés toute possibilité de risque majeur.

Il semblerait en fin de compte que cette tragédie soit très localisée au Japon, les médias US et Européens affirment que les radiations sont ridiculement basses et ne présentent aucun danger. Affirmations qui furent déclarées avant la moindre mesure, de la même manière qu’on annonce la température du dimanche dés le lundi. On nous assènent vaguement  de chiffres en “millionième” de milli-sievert (debit de dose), quand d’après la CRIIRAD (organisme independant) les chiffres les plus important concernent la contamination de l’air, de l’eau et des sols. Si vous voulez des informations plus précises concernant les retombées éventuelles en France ne faites pas l’impasse sur les rapports quotidiens de la CRIIRAD qui ne cherchent pas a simplifier béatement la situation.

D’autres sources sont plus alarmistes, paniques peut être vraiment nous expliquant que le pire serait déjà arrivé ( pour les Japonais vous diront les autres … ) avec le potentiel rejet dans l’atmosphère de particules d’uranium et autres “transuraniens”:

Les éléments cités plus haut, uranium et « transuraniens », sont des métaux lourds, non seulement d’une violente toxicité chimique (notamment le plutonium) mais d’une des plus grandes dangerosités en termes de radioactivité. On pourrait dire, pour faire comprendre la différence, qu’ils sont pour une même quantité, cent fois plus dangereux que le césium ou l’iode. Rappelons que ces derniers ont été incriminés depuis trois jours pour avoir contaminé dans la région de Fukushima, lait, épinards, brocolis, mais aussi l’eau à Tokyo. Uranium et transuraniens, s’ils sont inhalés ou ingérés sous forme de fines particules, comme les précédents, vont se fixer à l’intérieur du corps. Le plutonium ira dans les poumons puis se fixera de préférence dans le squelette ou le foie, l’uranium dans les reins… Là, ils émettront des particules dites « alpha » qui peuvent provoquer des dommages considérables, en particulier aux chromosomes des cellules, ce qui engendre des cancers .

Finalement ce genre d’évènement met a jour nos peurs les plus profondes, l’anxiété d’être victime dans un futur proche ou lointain mais a des milliers de kilomètres d’un apocalypse technologique d’ordre quasi biblique.  Alors effectivement il est possible d’être cynique, d’évoquer les risques sur la santé de notre mode de vie en général (sans bien entendu le dénoncer ce serait trop demander aux lobbyistes du dimanche),  mais en aucun cas le faible impact a l’heure actuelle de la radioactivité en France ne doit clore le sujet. La centrale continue a se vider de son contenu en fusion, les conditions sanitaires a Tokyo ne peuvent être prise a la légère, la contamination au Césium s’accumule et se fixe dans les sols du Japon, et si Tokyo n’est pas en alerte rouge les vents n’ont été aussi clément pour les régions se situant au Nord de Fukushima. Et la France est encore truffée de centrales qui mérite d’être plus sécurisée a défaut d’en dégager un profit maximal.

Le temps du débat?

Des les premiers instants qui suivirent l’alerte au nucléaire, la France était sujette au débat sur le nucléaire. Quitter l’énergie qui procure quasi 80 % de l’électricité ? Sur combien de temps ? Pour quelles alternatives ? Pour être très honnête je me moque un peu de ce débat sur le très long terme. Ce qui dans l’immédiat est important ce sont plus des questions annexes qui ont été soulevées ces derniers jours mettant en lumière la privatisation du secteur, les dangers actuels sur la maintenance des centrales, le lobbying pratiqués conjoitement par l’Etat et l’industrie nucléaire. Rajouter a cela le débat sur l’énergie ne fait que saturer l’actualité, alors qu’il s’agit d’un sujet demandant une préparation et de véritables engagements politiques. Il n’y a pas non plus de reproche a faire a ceux qui ont saisis l’occasion puisqu’ils n’ont de cesse d’essayer de présenter le sujet au public et que leurs tribunes publics sont bien rares en temps normaux, toutefois il est certain qu’aborder la question de l’energie dans les semaines a venir aurait eut probablement plus d’impact.

Ceux qui ont en revanche crié a l’indécence m’ont fait pitié, l’envie de débattre, de dialoguer, d’échanger des propos entre êtres intelligents n’a rien d’indécent, cela n’a seulement qu’un caractère inédit dont l’absence épuise les français. Brandir l’indécence du débat nucléaire en usant des victimes du tsunamis alors même que les survivants faisaient face aux premières contaminations est une bien triste pirouette. La palme de l’indécence en revanche peut être remise a TEPCO qui a usé de son influence l’an dernier pour prolonger l’exploitation de la centrale de Fukushima alors que celle ci devait être fermée conformément a la réglementation…

Si ce débat a lieu prochainement, et je le souhaites, je serai bien curieux de savoir si il est envisageable aujourd’hui d’estimer notre capacité énergétique a quitter une énergie pour une autre. Avons nous assez de pétrole et de capacité électrique a ce jour pour assurer une transition sur 25 ans qui pourrait représenter une facture pétrole monstrueuse, la consommation énergétique étant sans cesse en croissance. Que se passerait il si l’Arabie Saoudite annonçait demain que ses réserves en pétrole sont limitées a 5 ans ? Le prix du baril flamberait, le coût de construction de panneaux solaires comme d’une centrale nucléaire deviendrait bien trop élevé, les centrales au diesel s’arrêterait de produire et le monde rentrerait dans une décroissance économique, énergétique et démographique forcee…

Une petite page de publicité

Le lobby du nucléaire en France a toujours su nous offrir une communication publicitaire de qualité. Le monde moderne, sur le modèle capitaliste de la croissance ne cesse de progresser, comme nous le prouve Areva avec cette publicité (assez bien réalisée, mais toutefois en image de synthèse car c’est plus propre) ou nous pouvons admirer une centrale sur un littoral … calme …

 

Un commentaire sur la page youtube de la vidéo offre une analyse brillante :

L’évolution montrée par le film est révélatrice. Au début, l’énergie sert à extraire de l’eau, à naviguer, commercer (se nourrir, échanger), puis à bâtir une cathédrale, etc. A la fin, l’énergie sert à faire danser des cons sur le toit d’un immeuble de bureau à côté d’une fausse plage !

Épitaphe

La succession d’évènements ces dix  dernières années rebute le postulat de Fukuyma (Francis le politologue, pas la centrale) qui avait annoncé la fin de l’Histoire après la fin de la guerre froide: l’attentat du World Trade center, trois guerres dans le monde Arabe, une crise économique d’une ampleur dévastatrice qui n’est toujours pas endiguée, un endettement des pays riches exorbitant, des insurrections dans l’ensemble des pays arabes, et finalement une catastrophe naturelle et nucléaire dont il est impossible d’anticiper le coût a ce jour tant l’impact économique pourrait s’inscrire dans la durée. Le parallèle avec la chute de l’Union Soviétique effleure mon esprit depuis quelques jours : le bourbier en Afghanistan, un endettement abyssal, et une catastrophe nucléaire qui acheva de ruiner le pays.

Non, il s’agit d’une pensée fantasque, ridicule tant la symbolique a de quoi faire frémir, ayons confiance, jusque la tout allait bien…

5 thoughts on “Le nuke et l’air au Japon”

  1. parfait resumé de la situation! c’est tres bien écrit et sourcé… c’est effarant ce qu’on peut nous raconter comme conneries!

  2. Les médias ne nous disent pas toujours la vérité donc il faut faire attention et filtrer les informations a chaque fois, il y a ce qu’on appelle les médias mensonges qui induisent beaucoup de gens en erreur merci beaucoup pour ces précisions et pour cet article

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