Cela fait bien longtemps que je n’ai pris la parole sur Café-croissant, ce n’est pas pour autant que je ne peux pas la donner aux autres, en particulier lorsqu’il s’agit de rendre hommage aux voyageurs disparus.
Bonne Lecture
Garçon
Elle était mon amie, elle était l’amie de milliers de gens. Kriss Corinne Gorce Griffiti n’avait plus peur de mourir mais dieu qu’elle avait envie de vivre ! Encore…
Elle est morte ce jeudi 19 novembre 2009. Avec toutes et celles et ceux qui l’ont aimée un peu, beaucoup, passionnément, je lui souhaite « bon voyage ». Latchom drom disent les gitans. « Bon voyage et bon retour la Kriss ». Sur ton répondeur un message éternel, toujours le même depuis des années : “Bonjour Kriss Corinne, pas là, pas loin, laissez votre message après le bip, et je vous rappelle !” Rappelle-nous vite ! Thézame
Femme de radio « par hasard », Kriss navigue sur les ondes de France Inter et dans nos oreilles depuis qu’elle a 20 ans. Refusant de toutes ses forces la « culture du malheur », il est d’autres voyages initiatiques dont elle aime parler car ils célèbrent le courage, l’infini, la beauté. D’Afrique du Nord aux Maldives, des jardins secrets de ses invités au désert des Touaregs du Niger, elle promène sa sagesse et l’éternelle fraîcheur de sa voix
BON VOYAGE LA KRISS !
« À la radio, on est là pour rappeler aux gens que l’heure revient à l’heure ! Le voyage te rend le temps réel, le temps que tu crois perdu… Et le silence. » Kriss
Née d’un père français diplomate et d’une mère égyptienne, le voyage, le mélange, la rencontre, font partie de la culture de Kriss. Le hasard qui amène cette méditerranéenne sur les ondes de France Inter n’est donc pas le seul à avoir bien fait les choses. C’est à « L’oreille en coin », que cette jeune fille qui traînait avec des élèves de Jean Vilar et qui ne voulait pas «passer sa vie dans un bureau » que tout commence. On est en 1968, elle a tout juste 20 ans et comme elle ne connaît rien à la radio, elle a le profil idéal pour exprimer autrement, de sa voix fraîche et nouvelle, les envies, les opinions, les soucis de sa génération « grande gueule ». «Une génération incroyable » dit-elle, « autorisée, chouchoutée, pour qui il était normal d’être nomade », de partir du jour au lendemain sur les chemins de Katmandou et d’ailleurs. « La jeunesse aujourd’hui est moins libre. On l’entretient dans la peur, dans l’idée, qui est en partie une réalité, que ça ne va pas être simple… De vivre, de voyager, de trouver un boulot. Nous, au contraire ! On pouvait partir avec presque rien et trouver du boulot en rentrant. Des boulots sympas en plus ! »
Fière de n’être soumise à rien, voire à personne, Kriss part souvent : en reportage, sur le terrain ou pour les vacances entre deux émissions. Mais le voyage «déclencheur », de ceux qui restent présents, ce sont les Maldives. Fantasme d’île déserte ? Ras le bol de la pression du monde civilisé ? Technique de poisson volant ?* Un mélange de tout ça. Une certitude : en cet endroit où tout est bleu, aucun auditeur pour reconnaître ni les yeux clairs, ni la détermination de ce petit bout de femme hyperactive, ni encore moins sa voix… Une voix devenue vite, « trop vite » célèbre. Une voix avec une plume alerte pour la seconder qui s’empresse d’écrire avec folie, humour, tendresse et excentricité tout ce son agenda « speed » et son attitude « anti-malheur » lui commandent expressément. Aux Maldives, une autre Kriss, une autre loi. Elle a la trentaine. À l’époque, cet archipel de l’Océan Indien, situé tout près de l’actuel Sri Lanka, ne figure sur aucune brochure touristique. Bien sûr, il y a le ciel, le soleil, la mer… Et les cocotiers. Mais aussi étonnant que cela paraisse, cette escapade insulaire est un voyage de « routard » où la route est un bateau qui vous « embarque » littéralement, d’île en île, bercé (e) par des langues inconnues, avec des gens « que tu connais pas ». « À ce moment-là, j’avais besoin de dénuement, de me dépouiller du surplus » confie-t-elle, comme pour s’approcher de l’essentiel, s’éprendre d’une solitude choisie. Et s’arrêter de courir pour dormir ailleurs, dormir un peu, à la belle étoile, sur un lit… De cannes à pêche.
Du voyage essentiel au voyage sensoriel, un seul pas ! Que Kriss franchit avec la volupté et la gourmandise des gens riches d’avoir observé, écouté, interrogé, partagé la vie avec intensité. Elle raconte la plage blanche, le désert où tout semble immuable, à première vue ou à « première écoute », dirait-on, s’agissant de Kriss. Elle ajoute mille détails : le ciel, la peau nue, les oiseaux narquois, la mer qui déplace, à son rythme, les pierres, le bois, les coquillages et puis le vent qui redessine la courbe des dunes, des paysages et le bruissement des feuilles. «On va toujours d’un silence à l’autre. Rien n’est jamais pareil… Même le silence. ». Cette observation palpable dans les mots, le regard, les oreilles de Kriss, s’applique aux gens, aux langues, aux chats, aux arbres, comme au temps qu’il fait ou au temps qui passe.
Le temps ? « Tous les temps m’intéressent ! Ce qui est terrible dans notre métier, c’est qu’on a l’œil rivé sur le chrono ! En direct bien sûr. Et encore plus quand les émissions sont enregistrées. Il faut faire tenir dans un temps que nous n’avons pas choisi n’importe quelle rencontre. Une émission qui mériterait deux heures, il faut la faire tenir en une heure. Au montage, tu coupes, bidouilles, négocies. Tu passes des arrangements… On n’est jamais dans le temps d’aujourd’hui, dans le temps réel ! En même temps… (Temps !) Tu passes ton temps à donner l’heure ! France Inter, il est 15 heures ! France Inter, il 12 heures, France Inter, il est 13 heures… À la radio, on est là pour rappeler aux gens que l’heure revient à l’heure ! Le voyage te rend le temps réel, le temps que tu crois perdu… Et le silence. »
Voyage dans l’espace, voyage dans le temps, voyage au cœur des gens… S’il est un autre voyage initiatique pour Kriss, c’est son émission « Portraits sensibles » diffusée jusqu’en 2004. « 600 personnes qui en quatre ans vous confient leurs jardins les plus secrets, vous racontent leur vie, c’est un sacré voyage ! Un voyage qui vous coupe de tous les autres voyages… » Après une telle traversée, « tu regardes les gens autrement car tu es sûre que chaque personne a une histoire. » déclare Kriss abandonnant sa voix de bout en train pour un accent plus grave et bienveillant. Tellement différents de ses débuts en radio, ces « Portraits sensibles » placent Kriss dans une posture où la « star » n’est plus l’animatrice, ni sa plume d’auteur, mais l’invité (e), son jardin secret, dans lequel on entre «comme on trempe un orteil dans la mer ». Entre deux questions du style : « Racontez-moi comment ça commence ? Voulez-vous que je coupe le micro ? Votre sagesse pour la route, ce serait laquelle ? », Kriss s’efface, coupe sa voix au montage, pour ne plus apparaître qu’en creux. Une constante la frappe : le courage, l’impertinence, la dignité de ces hommes, de ces femmes « comme les autres » qui connaissent des drames ou qui un jour osent, sans se préoccuper du voisin, faire et dire une chose « pas comme d’habitude ». Soit parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement ou simplement parce que « c’est le moment… »
Le sens de la rencontre et de l’improvisation de « Kriss Crumble » – du nom de sa nouvelle émission – la ramène toujours sur son port favori : le terrain. Hors de France, au coin de la rue, en face d’elle et de son micro continuent de défiler des gens connus et inconnus. Et fin 2005, arrive celui que tout le monde appelle au Niger : le Docteur Ousmane Dodo. «Je faisais un reportage sur l’association Tidène qui creuse des puits aux environs d’Agadez. Comme c’était en décembre, tout a commencé comme un conte de Noël ». Kriss écoute cet infirmier touareg raconter comment il va, digne et déterminé, sans médicament, à pied, à dos d’âne ou de chameau, soigner ses frères nomades dans des régions aussi démunies qu’isolées. Coup de cœur ! Et diffusion de l’émission dans la foulée. C’est le 18 décembre et des centaines d’auditeurs solidaires envoient des lettres, des colis et des chèques, pour soutenir le travail de cet homme bleu du Niger. De ces dons et pour entreprendre une action durable naît début 2006, la toute jeune “Association Ousmane Dodo” «C’était une belle surprise et c’est un sacré boulot ! Mais c’est aussi, un vrai cadeau de confiance des auditeurs… Car ils savaient que j’allais tout faire pour qu’ils ne soient pas trahis. » Cette belle surprise, finalement prévisible, boucle joliment la boucle des aventures « modestes », tient à préciser Kriss, d’une femme des ondes à travers le monde.
La prochaine destination de Kriss ? New York, Tokyo… « Car je ne veux pas mourir sans avoir vu les grandes villes ». Et puis un tour du côté des mémoires de son père, archives officielles endormies entre d’émouvants recueils de poésie dédicacés et les ouvrages de sa mère, sur l’étagère des souvenirs bleu et blanc méditerranée.
Thézame Doutreleau pour Ulysse
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*”Quand un poisson volant se sent menacé, il sort de l’eau et vole selon un angle différent de la trajectoire d’origine. Si bien que le prédateur déstabilisé ne peut retrouver la trace de sa proie lorsque qu’elle replonge dans l’eau.” Technique drôlement maligne qui a inspiré l’ouvrage de Kriss « Sur un air de poisson volant ».
Decouvert ce Cafe par le hasard de la triste nouvelle du depart de Kriss , exile en Californie moi aussi , Kriss avec qui j’avait commence a communiquer depuis quelques annees par email ,
notre rendez vous a Paris avait du etre annule a la derniere minute en raison de tests qu’elle devait soudain faire suite a une vilaine tache decouverte sur son poumon , et la voila qui s’en va trop tot , trop triste , trop loin .
Kriss,
Over these years I have kept thinking of you, of my meeting with your friends and with Ousmane Dodo. These last days I felt I really wanted to get in touch, only to hear on the TV that you left and are continuing your journey on the ‘other side’ –
I want again to say THANK YOU for having touched so many peoples’ lives and for having made a big difference.
Your grace, joy, smile and big heart stand out like radiant lighthouses.
Je t’ai connue une fois et c’etait pour toujours. Ça va pas changer maintenant.
Comme a dit Thézame: “Latchom drom” = Bonne Voyage et Bonne Retour.
A bientôt Kriss et une grande merci.
Vita
Kriss disait aussi : “la vie est désespérante mais nous ne sommes pas faits pour désespérer”…
Bih and warm hug everybody.
Thézame
Oui depuis jeudi, j’ai perdu Kriss que je considerais comme mon double……depuis je pleure triste jeudi..sa voix restera pour moi éternelle…..bon voyage Kriss ……….
Il y a une émission hommage à Kriss ce dimanche avec un crumble special à midi.
Ne le ratez pas si vous êtes en France. Pour les autres le podcast est là :
http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/krisscrumble/
la dépêche AFP : http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hbxPdaMMCWvY-gCvW1vDrmHqj9WA
Vous embrasse ;)
Thézame
@Jamison’s Writing Blog » Blog Archive » Kriss Kriss Donald –
Bonjour, j’ai écouté l’émission hommage à Kriss et vous remercie de nous avoir rappelé de bons souvenirs sur un ton qui n’était pas triste et c’était très bien, elle n’aurait pas aimé autrement. A bientôt sur France Inter
Bonsoir,je faisais mon service militaire au ministère de l’air en cette année 1971 et j’écoutais déjà le pop-club depuis sa création et la station depuis encore avant,trop de pub sur les autres stations,sauf radio-Caroline,lorsque j’ai découvert FIP , puis bien sûr l’oreille en coin et Kriss Grumbble,Kriss s’en est allée , mais ne mélons pas un dieu quelconque à cela,elle étais la fraîcheur de France-Inter,Quelle leçon de courage quand elle nous disait se soigner pour revenir à l’antenne !Merci,Kriss et bon voyage pour nous ne savons où !
Re bien sûr il faut lire Christian et non Chtistan
Merci pour cet hommage magnifique et “sensible”à Kriss qui nous a accompagnés pendant 40 ans avec une telle fraîcheur,une telle générosité,une telle empathie,une telle tendresse,un tel sourire dans sa voix,que ,nous les auditeurs de son coeur,nous sommes tous un peu orphelins et éperdus de gratitude pour tout ce qu’elle nous a donné…
Un hommage à LAKA aura lieu le 14 décembre au Cabaret Sauvage…
Si vous passez par là ;)
Je vous embrasse,
C’est légal ;)
Thézame