États d’âme alimentaires

Je ne livre pas souvent ici des détails de mon quotidien, mais aujourd’hui c’est samedi et c’est le 5ème samedi de suite que je passe au boulot, je ne compte pas les dimanches. Habituellement dans ce genre de cas les producteurs de notre projet nous commandent de la bouffe, aujourd’hui ce fut du grecque. Habitant dans une partie de Los Angeles comptant une très forte communauté arménienne, le grec en question avaient plutôt une tendance au shawerma qu’au gyros (bon c’est quasi la même chose, mais les puristes comprendront).

Me voilà donc comme un con, devant mon ordi, à bouffer mon repas du midi : “Lamb kabob with pilaf rice and extra chicken lemon kabob”. Pour résumer l’affaire il s’agit d’une ration de riz (du riz blanc avec un peu de curry, pilaf sur le menu seulement) avec deux morceaux d’agneau trop cuit et trois morceaux de poulet dont la forme me fait m’interroger sur ma connaissance de l’anatomie d’un poulet.
Le tout servi dans un emballage en polystyrène qui retiens la chaleur et surtout créé une condensation suffisamment forte pour que le long du transport votre bouffe passe du statut “cuit sur le grill” à réchauffé à la vapeur.

Je mange le tiers de mon assiette en me faisant la réflexion que la différence entre de l’agneau et du mouton ne tiens pas uniquement à l’âge de l’animal mais aussi de son régime alimentaire comprenant une forte dose de laitage, enfin il me semble. Mais l’agneau qui est dans mon assiette est tout plein de nerf, et présente ce goût sucré caractéristique de la surconsommation de mais dans le régime du bétail américain. A cet instant précis bien entendu je ne peux plus avaler une bouchée et je referme ainsi ce plat infâme qui a coûté la bagatelle de 15.95 dollars à mon employeur. Je devrais avoir honte, mais ce n’est pas le cas, cette folie agroalimentaire autour du mais aux USA a une bien trop grande importance géopolitique pour que je puisse ressentir un quelconque regret à ne pas me baffrer aujourd’hui. Bien peu ici ont conscience que c’est du fait de l’ALENA (traité de libre échange entre les USA, le Mexique, et le Canada) que les petits paysans mexicains migrent en masse vers le Nord, car ils ne peuvent plus survivre du fait de la compétition outrancière et subventionnée des USA, en particulier concernant la production de mais.

Dans ces moments là, il vous vient à l’esprit ces images de votre passé olfactif, en ce qui me concerne des images de Paris : les restaurants Turques dans le 10ème qui me faisait découvrir des plats simples mais succulents, la rue des rosiers, le bistrot Basque en face de la place de la Bourse avec des poulets fumées d’un goût inimitable, l’odeur des boulangeries le matin sur le chemin du métro, autant d’odeurs inédites outre atlantique à mon grand desespoir.

“Prettty tasty, right ?” me demandes un collègue venant de terminer un plat identique au mien, que puis je lui répondre autre que: “yeahh testiii”. Combat perdu d’avance de convaincre un américain persuadé d’avoir dégusté un plat de qualité à la simple vue du prix. Mon collègue a été élevé aux bonbons bourrés de sucre à base de sirop de mais (le fameux corn syrup) , il a jamais goûté de sucrerie au chocolat qui ne contiennent pas d’huile de palme au lieu d’utiliser du beurre de cacao, il n’a jamais eu idée de manger de la viande sans une sauce standard (barbeque, ketchup ou moutarde), il n’a jamais imaginé manger un repas sans une boisson gazeuse sucrée, les piliers de son univers gustatif et affectif sont les interdits qui accompagnent mon régime alimentaire, je ne peux rien pour lui sauf le satisfaire et l’induire un peu plus dans son ignorance.

Que ne ferais je pas pour avoir le droit de me téléporter tous les midis en France, dans les rues de Paris et ainsi avoir ne serait ce que le choix entre bouffer de la merde et manger des plats fait avec la bonté et le savoir-faire des artisans de mon cher pays. Un jour viendra où ce choix ne sera plus possible en France, alors restez vigilants vous autres, à l’autre bout du monde.

Si vous voulez en savoir plus sur les désastres de la sur-utilisation de mais aux USA, jetez un oeil sur le documentaire “King Corn”, dont voici la bande annonce :

5 thoughts on “États d’âme alimentaires”

  1. Salut voisin,

    j’aime beaucoup ton billet.

    L’agro-business est en effet devenu une arme dans la guerre economique. Je crois qu’il est urgent de l’identifier, de la denoncer et de la detruire. Oui, les subventions agricoles etatsunienne ou celles de la PAC europeenne detruisent et affament les paysans du sud.

    De plus, notre excessive consommation de viande est criminelle (y a pas d’autre mot), puisque plus de 70% des cereales mondiales servent a nourrir le betail… Le crime est double : non seulement le betail emet plus de 20% des gaz a effet de serre d’origine “anthropique”, mais en plus, cette masse colossale de cereales, pourtant disponible, n’est pas utilisee pour nourrir les humains qui en auraient le plus besoin (les 1 milliards de tres pauvres).

    Le capitalisme livre a lui meme produit trop, repartit tres mal, et, in fine, tue.

    Les millions de morts ne sont pas l’exclusivite du “socialisme” (si tant est que celui-ci ait deja ete applique).

  2. Merci Enjolras et Eleonora pour votre soutien, ca fait plaisir de se savoir lu et un peu apprecie :)

    @ Le Pilier
    Ah Jean Ziegler effectivement, personnalite importante et malgre tout pas assez ecoutee, j’ai effectivement beaucoup fait reference a lui de part pas mal de video d’ailleurs . pour suivre mes billets sur le probleme agro alimentaire c’est par ici :
    http://cafecroissant.fr/category/alimentation/

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